LA MISSION DE CHRISTIAN ROSE-CROIX
Conférence faîte à Neuchâtel le 18 décembre 1912
Rudolf Steiner
Selon le désir de nos amis, nous allons aujourd'hui poursuivre l'étude du mouvement rosicrucien que nous avons entreprise ici même l'année dernière. Nous avons déjà décrit comment s'était accomplie l'initiation de Christian Rose-Croix au 13e siècle et nous avons insisté sur le fait que l'influence de cette individualité n'avait cessé d'agir au cours des siècles. Nous aborderons aujourd'hui notre sujet d'un autre point de vue, en essayant de comprendre la grande tâche qu'il s'est imposée à l'aube de notre époque vouée à l'intellectualisme, en vue de sauvegarder l'avenir de l'humanité.
Tout occultiste conscient de sa responsabilité doit compter avec le caractère particulier de son époque. La nôtre a débuté au moment où la science moderne a vu le jour avec Copernic, Giordano Bruno, Galilée (13) et bien d'autres. Nos contemporains se sont familiarisés avec le système de Copernic dès l'enfance et les impressions qu'ils en ont retirées les ont marqués pour toute la vie. Il n'en était pas de même jadis, et, à ce point de vue, il existe une immense différence entre notre état d'esprit et celui de nos ancêtres. Tout homme croyait, avant Copernic, que la terre demeure immobile dans l'espace et que le soleil et les astres gravitent autour d'elle. Ce fut un rude choc, lorsque Copernic décréta que la terre se mouvait vertigineusement dans l'espace: il sembla aux hommes qu'ils allaient, si l'on peut dire, perdre pied tout à coup. Il ne faut pas sous-estimer une pareille révolution; l'état d'esprit, les représentations, les sentiments en furent bouleversés.
Posons-nous maintenant la question suivante: quelle est l'attitude de l'occultisme à l'égard de cette révolution? Celui qui pose la question en occultiste peut admettre, bien sûr, qu'avec les méthodes inaugurées par Copernic, la science moderne va s'illustrer dans la connaissance du monde sensible, mais il remarquera en même temps qu'elle est tout à fait inapte à nous faire comprendre les fondements spirituels de l'univers. Les idées de Copernic sont, en fait, la pire méthode qui fût jamais inventée pour expliquer les principes spirituels à la base de notre monde, et cela parce que ces conceptions nouvelles sont directement inspirées par Lucifer. Le système de Copernic et les méthodes qui en découlent sont un des derniers grands assauts que Lucifer ait dirigés contre l'évolution humaine. Si, dans les temps anciens, le voile de l'illusion s'étendait déjà sur le monde sensible, du moins avait-on encore dans l'esprit de saines conceptions sur la nature du monde. D'anciennes traditions étaient encore vivantes. Tandis que, depuis Copernic, la «Maya» n'est pas seulement dans la perception des sens, dans ce que l'homme perçoit autour de lui, mais ses concepts, ses idées même en sont infestées. Il lui paraît aujourd'hui tout naturel que le soleil demeure fixe et que les planètes décrivent des ellipses autour de lui. Toutefois, dans un avenir assez proche, on se rendra compte que le système astronomique de Copernic est beaucoup moins correct que celui, plus ancien, de Ptolémée (14). Certes, le système de Copernic est fort commode, mais il est en quelque sorte un oreiller de paresse et ne peut-nous éclairer sur la réalité du macrocosme.
Christian Rose-croix avait donc à compter avec le fait qu'à partir du 16e siècle les conceptions scientifiques, surtout en matière d'astronomie, étaient entachées de «Maya». En effet, l'ouvrage de Copernic «De Revolutionibus Orbium coelestium» avait paru en 1543. Il s'agissait, pour Christian Rose-croix, de prendre position et de chercher quelle correction l'occultisme pourrait apporter à une vision du monde, qui ne voyait dans le macrocosme qu'une immense machinerie composée de globes matériels.
L'année dernière nous avons rappelé comment au 13e siècle Christian Rose-croix lui-même avait été initié au cours d'une réunion de douze sages formant une loge. Vers la fin du 16e siècle Christian Rose-croix retrouva les douze sages et quelques autres individualités transcendantes lors d'une réunion occulte du même genre. Les participants à ce concile n'étaient pas tous incarnés sur le plan physique; quelques-uns y participaient du monde spirituel. Parmi ces derniers se trouvait l'individualité qui, au 6e siècle avant J.-C., avait été le Gautama Bouddha.
Les occultistes orientaux professent avec raison, car c'est là une vérité, que le Bodhisattva âgé de 29 ans, qui a accédé à la dignité de Bouddha, était alors incarné pour la dernière fois dans un corps physique. En fait, si une individualité du rang d'un Bouddha n'apparaît plus dans une incarnation physique, cela ne signifie nullement qu'elle se désintéresse de la terre. Elle continue à exercer son action du plan spirituel. Les paroles que rapporte l'Evangile de St Luc et qui s'adressent aux bergers: «Gloire à Dieu et paix sur la terre ... » sont un message du Bouddha, dont les forces, du haut des mondes spirituels, ont imprégné le corps astral de l'enfant Jésus de la lignée de Nathan. Ce beau message de paix et d'amour est une contribution du Bouddha au christianisme naissant. Mais, plus tard encore, le Bouddha est intervenu pour hâter le progrès de l'évolution humaine.
Ainsi, par exemple, il y avait aux 7è et 8è siècles, non loin de la Mer Noire, un centre initiatique d'une très grande influence. Certes, dans de telles écoles, il y a des maîtres qui enseignent dans leur corps physique; mais, pour les élèves avancés, il est aussi possible de recevoir des enseignements d'une entité qui n'est incarnée que dans son corps éthérique. C'est dans ce centre que le Bouddha enseignait ceux des élèves qui étaient aptes à s'élever au degré supérieur de la connaissance. L'un parmi eux se réincarna sous le nom de Saint-François d'Assise. Or, si l'attitude caractéristique de St François et des moines de son ordre a de grandes analogies avec les préceptes moraux mis en pratique par les premiers bouddhistes, cela provient du fait qu'il a été lui-même un disciple du Bouddha.
Il suffit de considérer l'état d'esprit d'un homme tel que St François, dont tous les efforts tendaient vers l'esprit, pour mesurer l'immense distance qui le sépare d'un homme que les découvertes de la science moderne vont pousser vers la technique et l'industrie. Dès le 16e siècle, on pouvait prévoir qu'il y aurait dans l'avenir deux catégories d'hommes: les uns seraient plongés dans les exigences de la vie pratique, se consacreraient à la production industrielle, à la construction de machines, etc., alors que les autres se voueraient à la vie intérieure et, par là même, se détourneraient de la vie pratique, comme l'avait fait St François.
Ce fut donc un moment crucial dans l'évolution humaine, lorsqu'au 16e siècle Christian Rose-croix convoqua un certain nombre de personnalités pour leur exposer la situation qui allait résulter de la divergence de ces deux grands courants. Il commença par réunir un nombre relativement élevé d'adhérents, puis, au bout de quelques années, il convoqua un deuxième concile plus intime. Ce n'était pas qu'il fût dans le doute sur ce qu'il convenait d'entreprendre, mais il voulut ainsi amener ses auditeurs à réfléchir par eux-mêmes aux problèmes que l'avenir réservait. Le monde, leur dit-il en substance, sera de plus en plus absorbé par les nécessités de la vie pratique. Celles-ci rendront les hommes pareils à des bêtes de somme. Quant à ceux qui s'y opposeront et se confineront dans leur vie intérieure, ils seront rejetés par la communauté et vivront en ermites. Or, annonça Christian Rose-croix, il n'existe sur terre aucun moyen de prévenir cet état de choses. Tout ce que l'on entreprendra pour les hommes entre leur naissance et leur mort ne pourra empêcher l'humanité de se scinder en deux classes plus ou moins ennemies. Le seul remède possible serait une sorte d'éducation de l'âme qui devrait avoir lieu non pas entre la naissance et la mort, mais dans le monde spirituel, entre la mort et une nouvelle naissance.
Essayez de vous représenter la grandeur de la tâche que ces Rose-croix allaient entreprendre: ils cherchaient le moyen d'influencer toute âme humaine au moment où, désincarnée, elle vit dans les sphères de l'esprit. Pour comprendre ce qui allait se passer, nous devons considérer l'existence de l'âme entre la mort et une nouvelle naissance d'un point de vue particulier.
L'homme vit sur terre entre la naissance et la mort. Après la mort il passe par diverses sphères planétaires. Vous trouverez dans ma «Théosophie» une description du Kamaloka. L'âme désincarnée évolue alors dans un monde «psychique», autrement dit, elle pénètre dans la sphère lunaire. Elle passe ensuite successivement par les sphères de Mercure, de Vénus, du Soleil, de Mars, de Jupiter et de Saturne, et, en fin de compte, elle se répand dans l'espace stellaire où évoluent les étoiles fixes. Il n'est donc pas incorrect de parler d'incarnations de l'âme sur d'autres planètes, à condition, toutefois, que l'on comprenne bien qu'il ne s'agit pas d'incarnations physiques. De nos jours, l'homme n'est pas encore assez évolué pour se souvenir des expériences vécues, par exemple, sur la planète Mars; il n'en reste pas moins que les forces, dont son âme s'est imprégnée lors de son passage sur cette planète, sont toujours en lui, ensevelies dans son inconscient. Il peut se dire: «Je suis actuellement incarné sur terre, mais certaines forces que je porte en moi ne sont pas d'origine terrestre. Elles remontent à mon passage sur Mars avant ma naissance».
Considérons maintenant l'état d'esprit des hommes vivant à l'époque où le système de Copernic s'est répandu en Europe. D'où proviennent les facultés qui ont amené Copernic, Galilée, Giordano Bruno et les autres à faire leurs découvertes?
Le cas de Copernic en particulier est troublant. Peu de temps avant sa naissance était mort le grand mystique Nicolas de Cusa (15) (1401-1464); or, nous retrouvons en Copernic les mêmes forces astrales qui avaient animé Nicolas de Cusa. Si vous comparez la «Docta Ignorantia» de Cusa aux écrits de Copernic, vous pouvez mesurer la distance qui sépare les deux esprits. D'où provient un changement si radical? C'est précisément l'influence prénatale de Mars qui a transformé le mystique de Cusa en astronome. Il en va de même pour Galilée, pour Giordano Bruno, pour l'humanité entière. Que les hommes acceptent les théories nouvelles comme autant de vérités, provient du fait qu'eux aussi se sont imprégnés des forces martiennes entre la mort et une nouvelle naissance. Mais, que ces forces agissent dans ce sens, provient d'une grave crise interne de toute l'évolution sur Mars. Anciennement des forces bien meilleures émanaient de cette planète. Mais aux 15e et 16e siècles la situation morale dans la sphère de Mars est aussi critique, aussi grave que sur terre au temps du Mystère de Golgotha. Le Christ est mort pour donner naissance au vrai moi de l'homme. Une «naissance» bien différente a lieu sur Mars vers la fin du moyen âge, celle d'une orientation intellectuelle qui imprègne les âmes de passage dans sa sphère et devient, sur terre, le courant matérialiste.
On pouvait prévoir où tout cela aboutirait: un nombre toujours plus grand d'âmes allaient subir cette influence et tomber, dans leur incarnation terrestre, sous l'empire d'une idéologie entachée de «Maya». Sur Mars une véritable décadence avait transformé les bonnes forces de la planète en forces d'illusion. Ces dernières ne manquaient ni d'esprit, ni d'astuce. Elles rendaient possibles certaines conquêtes de la science mais n'en étaient pas moins infestées de «Maya».
Dès le I5e siècle, on peut donc se rendre compte qu'il est urgent de donner à l'évolution martienne une impulsion nouvelle qui lui fasse redresser cette courbe descendante. Le salut de la terre en dépend. Il faut provoquer sur Mars une réaction capable d'assainir l'ambiance de toute cette sphère, comme le sacrifice du Christ l'a fait pour la terre.
C'est la grande tâche devant laquelle les Rose-croix se trouvent placés. Les entités spirituelles qui peuplaient la sphère martienne n'auraient jamais pu, d'elles-mêmes, trouver une issue à cette situation. Elles ne se rendaient nullement compte de la déchéance de leur planète; ce n'est que sur terre qu'on en pouvait mesurer toute la gravité.
C'est donc dans un but bien défini que cette conférence occulte, dont nous avons parlé, a été réunie à la fin du 16e siècle. A cette époque, l'ami et l'élève le plus intime de Christian Rose-croix était précisément cette individualité qui jadis avait été incarnée sur terre sous le nom de Gautama Bouddha. Depuis sa dernière incarnation, où elle avait accédé au rang de Bouddha, revêtue.d'un corps suprasensible elle était une entité purement spirituelle.
Il fut annoncé à cette conférence que cette haute individualité allait dorénavant résider sur Mars. Elle fut, si l'on peut s'exprimer ainsi, déléguée dans la sphère de Mars par Christian Rose-Croix. Là, en 1604, elle accomplit un acte dont la portée est, pour la planète Mars, comparable à celle du Mystère de Golgotha pour la terre (16), Christian Rose-croix avait reconnu l'importance du rôle que l'œuvre du Bouddha pourrait avoir pour l'univers entier. Il savait que la doctrine du Nirvana, qui tendait à libérer l'âme de l'emprise matérielle, acquerrait toute sa valeur sur Mars. Pour la terre cette doctrine n'était plus désormais d'aucune utilité. Elle ne pouvait que détourner ses adeptes des tâches pratiques qui incombaient aux hommes. Mais ce qui ne pouvait plus servir au progrès de l'humanité entre la naissance et la mort, pouvait favorablement influencer les âmes entre la mort et une nouvelle naissance. Les enseignements du Bouddha pouvaient donc purifier l'atmosphère morale sur Mars. Comme jadis le Christ, par amour pour l'humanité, était descendu sur terre parmi les hommes qui l'ont cloué sur la croix, le Bouddha, cet apôtre de la paix, se rendit au début du 17e siècle sur Mars, où régnaient la guerre et la dissension. Il y accomplit un sacrifice cosmique, semblable à celui du Christ à Golgotha. De se charger de cette mission dans une ambiance aussi guerrière, était vraiment, pour le Bouddha, comparable à une crucifixion. Cette mission fut accomplie au service de Christian Rose-Croix. Ainsi ces grandes individualités s'entraident dans la conduite de l'univers, non pas seulement sur terre, mais de planète à planète.
Dès l'instant où ce sacrifice eut lieu, l'âme humaine au cours de son passage prénatal dans la sphère de Mars, fut soumise à des influences beaucoup plus favorables. Ce sont des forces nouvelles qu'elle apporte sur terre en s'incarnant.
Mais l'action du Bouddha ne se limite pas à cela. Lorsque l'homme ici-bas se livre à la méditation, il est comme porté et soutenu par ces forces. S'il se soumet à la discipline spirituelle inaugurée par Christian Rose-croix, il sent les forces que le Bouddha envoie de Mars le pénétrer et le seconder.
Ainsi Christian Rose-croix nous apparaît comme le grand serviteur du Christ. Mais il ne put mener à bien la mission qui lui incombait qu'avec l'aide du Bouddha. L'âme de ce dernier n'est plus dans la sphère terrestre, mais elle s'est entièrement vouée au service du vrai christianisme. Déjà dans l'Evangile de St Luc retentissent ces paroles de paix qui sont un appel du Bouddha aux hommes de bonne volonté. Et cet appel venant d'une planète anciennement «martiale», continue de nos jours à retentir mystérieusement dans les âmes humaines.
Ainsi la scission des hommes en deux classes distinctes a pu être évitée. Si le Bouddha était demeuré dans la sphère terrestre, il n'aurait eu aucun ascendant sur les hommes voués à la vie pratique. Quant aux autres, il en aurait fait des moines comme St François. Mais, grâce à son sacrifice, il est devenu possible pour chacun de nous, entre la mort et une nouvelle naissance, de nous imprégner sur Mars d'une ambiance franciscaine. Cela peut sembler grotesque, mais c'est la vérité. Depuis le 17e siècle, toute âme humaine, en pénétrant la sphère de Mars, devient pour quelque temps disciple de St François et mène en quelque sorte une existence monacale, teintée de bouddhisme. Quant à St François lui-même, depuis son incarnation en Italie, il n'est réapparu qu'une seule fois sur terre. Il est mort en bas âge. Depuis lors il ne s'est plus réincarné. Il déploie son activité sur Mars, dans l'entourage du Bouddha, dont il est resté un des adeptes les plus éminents.
Si, en résumé, nous jetons un coup d'œil sur les différentes étapes du mouvement rosicrucien à partir du 13e siècle, où Christian Rose-croix a pour la première fois réuni ses adeptes, nous arrivons à son incarnation du 14-15e siècle, puis à la fin du 16e siècle, à cette conférence qui permit d'éviter la scission parmi les hommes. En fait, le sacrifice du Bouddha donne la possibilité à chacun d'entre nous de travailler à son développement occulte sans avoir à négliger les devoirs que lui impose la vie pratique.
C'est là un des points les plus importants du chemin rosicrucien, dont j'ai déjà parlé dans mon ouvrage sur «L'Initiation». Celui qui s'apprête à suivre ce chemin n'est pas contraint de délaisser les fonctions que son karma lui assigne sur terre. Une évolution psychique dans le sens rosicrucien est compatible avec n'importe quelle situation et n'importe quel emploi.
Il n'est évidemment guère possible de parler de l'œuvre de Christian Rose-croix, comme nous l'avons fait, sans toucher au domaine ésotérique. C'est dans ce domaine précisément qu'apparaît la logique interne du mouvement rosicrucien. Rappelons-nous quel fut le développement de notre théosophie occidentale, depuis que nous avons fondé une section de la Société théosophique (17). C'est ici en Suisse qu'ont été donnés les cycles de conférences sur les quatre Evangiles. Mais tous ces cycles étaient déjà contenus sous forme de germes dans mon ouvrage «Le Christianisme, un fait occulte» qui a été écrit il y a douze ans. Dans mon livre «L'Initiation», où la voie occulte occidentale est décrite, j'insiste sur la compatibilité de cette voie avec n'importe quelle activité pratique. Aujourd'hui j'ai pu vous en donner la raison qu'il vous faut chercher dans la mission du Bouddha sur la planète Mars. Vous pouvez ainsi toucher du doigt le développement logique des enseignements de la théosophie, où chaque pierre vient s'ajouter exactement à la précédente, afin que l'édifice soit fondé sur la vérité. En effet, toute conception de l'univers, si elle veut prétendre à la vérité, doit présenter ce caractère de logique intérieure. Et c'est cette logique qui caractérise toute l'activité de Christian Rose-croix aux yeux de ceux qui sont en état d'en suivre les étapes. C'est avec une respectueuse admiration que nous considérons la mission qu'il a assumée, mission rosicrucienne et chrétienne, qui a posé les fondements de l'occultisme moderne.
Aux considérations qui précèdent j'aimerais ajouter quelques conseils pratiques. Nous avons vu dans la dernière conférence quels étaient les événements de la vie courante pouvant suggérer qu'inconsciemment nous étions en contact avec Christian Rose-croix. Si, de nous-mêmes, nous cherchons à entrer en contact avec lui, nous devons interroger notre destin pour nous rendre compte des conditions requises. Cela peut se faire de la manière suivante: essayons de nous représenter le grand Initiateur des temps nouveaux, Christian Rose-croix, au milieu de ses douze élèves, envoyant dans l'espace cosmique le Gautama Bouddha; essayons de nous représenter le Gautama Bouddha accomplissant au 17e siècle son œuvre commencée à Bénarès au 6e siècle avant J.-C., quand, dans son premier sermon après son illumination, il a parlé de la voie octuple et des causes de la souffrance. Si nous arrivons à placer ce tableau, dans toute sa signification, devant notre regard intérieur, et si nous en recevons comme un choc, une impression qui peut se traduire par ces mots: « En tant qu'homme, tu n'es pas seulement un être terrestre, tu es dans ton essence une entité cosmique! » - alors nous pouvons admettre en toute confiance qu'il nous est possible de devenir un disciple de Christian Rose-Croix. Ce tableau, décrivant les rapports de Christian Rose-Croix et du Bouddha, est une imagination efficace qui doit devenir un sujet de méditation. C'est là, en définitive, le but que je m'étais proposé: vous inciter par ces quelques considérations à vous livrer à un travail et à un effort personnels. N'oublions jamais que nous devons non seulement nous appliquer à l'étude des vérités occultes, mais que nous devons ensuite y puiser les forces et le moyen de poursuivre notre propre développement spirituel.
13 Copernic (1473-1543).
Giordano Bruno (1548-1600), voir: «Mystique et esprit moderne», Ed. Fischbacher.
Galilée (1564-1642).
Kepler (1571-1630).
14 Ptolémée (environ 100 à 180 ap. J.-c.) astronome, mathématicien et géographe à Alexandrie. Représentant de la cosmologie géocentrique.
15 Nicolas de Cuse (1401 à 1464), voir: «Mystique et esprit moderne», Ed. Fischbacher.
16 Concernant les rapports de Christian Rose-Croix et du Bouddha et les événements de l'année 1604, voir: «La vie de l'âme entre la mort et une nouvelle naissance», Ed. Anthroposophiques Romandes.
17 Quelques jours après cette conférence en décembre 1912 à janvier 1913 était consommée la rupture entre Théosophie et Anthroposophie. Il y a lieu de préciser que, bien que s'étant exprimé pendant environ 12 ans au sein de la Société Théosophique, R. Steiner n'avait cessé de donner un enseignement christique indépendamment des tendances orientales qui régnaient dans la Théosophie.